Le gouvernement a une dent contre la santé publique !
Les explications données récemment par le Directeur de la Sécurité sociale pour justifier un transfert des engagements de l’assurance maladie vers les organismes complémentaires n’étonnent guère.
D’abord parce qu’elles confirment une vision purement comptable malheureusement très habituelle. Et l’utilisation des statistiques est souvent biaisée. Reprenons les chiffres du ministère : la part des dépenses prises en charge par les complémentaires était de 6,1% en 1990, elle s’élève à 12,9% en 2021. Désengagement ?
Ensuite parce qu’elles illustrent trop parfaitement le discours de la méthode : afficher une concertation et surtout ne pas la mettre en pratique.
Enfin, parce qu’elles ne s’écartent pas des motivations de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023. Nous avons déjà eu l’occasion de mettre à bas les arguments développés par les pouvoirs publics, il n’est pas utile d’y revenir.
Par contre, et parce que le mouvement mutualiste a d’abord pour objectif d’améliorer l’accès aux soins de ses adhérents et de la population, il faut alerter sur les conséquences du désengagement public sur le dentaire.
On pourrait nous objecter que nous défendons nos situations financières. Il n’en est rien. Comme d’habitude, le gouvernement se repose sur un taux de couverture complémentaire de la population particulièrement élevé pour penser qu’une privatisation des dépenses les feraient disparaître.
C’est oublier que les incidences pour les familles ne seraient minimes que si le recours au tiers payant complémentaire était généralisé, ce qui est loin d’être le cas. L’Igas, en 2017, mettait d’ailleurs les chirurgiens-dentistes dans les professions « les plus éloignées du tiers-payant complémentaire ». Et chiffrait à 3,9% la pratique du tiers-payant intégral (AMO+AMC) hors cas d’obligations.
Depuis la situation a très peu évolué. Des repères fournis par certaines de nos mutuelles évaluent à seulement 13% des professionnels et 10% des soins concernés, la part de ceux ayant eu recours, au moins une fois dans l’année, au tiers-payant.
De leur côté, des dentistes nous ont fait part de leurs craintes de voir la renonciation aux soins augmenter. « Déjà avec 30% de frais à avancer, les patients hésitent. Avec 40%, ils vont simplement refuser » indiquent-ils.
En conclusion, le gouvernement préempte le caractère indolore du transfert. C’est sans compter les problèmes de trésorerie qui forment le quotidien de nos concitoyens. Le raisonnement comptable échoue face à la réalité des situations.
Les 500 millions d’euros d’allègement des comptes de la Sécurité sociale auront donc un premier effet immédiat : remettre en cause la politique de santé publique bucco-dentaire de notre pays. Une décision irréfléchie et inique.